Agriculture, Département

L'invitation d'Hélène Sandragné à Gabriel Attal

La présidente du Département de l’Aude, Hélène Sandragné, a écrit au Premier ministre Gabriel Attal pour le sensibiliser sur les conséquences désastreuses des précipitations, à l’ouest, et de la sécheresse, à l'est, sur la récolte viticole audoise. Elle l’invite à venir dans l’Aude pour constater, de lui-même, l’impact dramatique du dérèglement climatique sur le vignoble méditerranéen.

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"Monsieur le Premier ministre,

En 2023, certainement plus que les années précédentes, la filière vitivinicole du département de l’Aude a subi deux phénomènes climatiques opposés d’une rare intensité.

La situation pédoclimatique du département, avec ses "climats" différents, explique en partie le fait que deux crises majeures ont pu se développer durant la même période, alors que d’autres départements viticoles, exclusivement méditerranéens ou septentrionaux, n’ont eu à subir qu’une seule crise. Sur l’ouest, au climat océanique, un excès de précipitations concentré sur une courte période de l’été a empêché les traitements d’agir contre le mildiou, tandis que sur la partie méditerranéenne, une longue période de sécheresse associée à des températures extrêmes a stoppé la véraison et mis en péril le végétal. Au bilan des vendanges qui s’achèvent, il apparait que ces deux événements ont gravement affecté les rendements des exploitations, caves particulières et coopératives.

D’ores et déjà, une évidence se confirme :  le devenir économique de bon nombre de ces structures, déjà fragilisées par les épisodes de gel et de grêle des dernières années, est grandement compromis

A ce jour, dans un contexte d’augmentation des charges, d’inflation et de baisse de la consommation et des prix, le défi de la filière viticole du département de l’Aude, comme de tous les départements voisins, n’est plus de surmonter une crise que certains prétendent conjoncturelle, mais tout simplement d’assurer sa survie à court et long terme

Laisser disparaître la viticulture, c'est laisser mourir nos territoires."

Pour ne citer que l’Aude, deux-tiers des exploitations agricoles sont des exploitations viticoles, ce qui fait de la viticulture, avec le tourisme, un pilier essentiel de l’économie. Source d’attractivité, elle est pourvoyeuse de revenus, d’emplois, entretient nos paysages et nous protège des incendies. Vous l’aurez compris, la laisser disparaitre, c’est laisser mourir nos territoires car rien ne la remplacera. Je ne peux m’y résigner. 

Les mesures d’accompagnement classiques décidées par les pouvoirs publics à la suite des aléas climatiques successifs ne suffisent plus. Leurs fréquences, comme l’évolution de l’environnement économique de la filière, les rendent insuffisantes, inefficaces et parfois inadaptées.   
Il y a dans l’Aude, comme ailleurs, des réformes de structure à mettre en œuvre rapidement. La vitesse à laquelle le dérèglement climatique affecte ce pan essentiel de notre économie nous oblige.

Pour ne pas avoir à revivre les heures sombres de la viticulture du Midi, avec une profession en attente et force de propositions, chacun à sa mesure et en responsabilités, il faut avoir le courage de s’attaquer à ce chantier dès maintenant. 

Des dispositifs existent, certains sont à réformer, d’autres à inventer. La restructuration du vignoble, le soutien aux exploitations de nos zones sèches, l’aide à la commercialisation, le renouvellement des générations et, bien entendu, l’enjeu de l’eau, sont autant de questions auxquelles il faut pouvoir répondre mieux que nous le faisons.

Au mois d’octobre dernier, pour lui donner la juste mesure de la situation, et évoquer avec elle les pistes et solutions possibles, j’avais pris l’initiative, avec l’ensemble de la filière du département de l’Aude et le président des Vignerons Indépendants de France d’inviter madame Elisabeth Borne, votre prédécesseur, à constater par elle-même les conséquences désastreuses du dérèglement climatique sur notre vignoble méditerranéen. L’agenda politique de ces derniers mois l’a empêché. Je le regrette.

Depuis les attentes ont grandi, tout comme le désespoir de nombreux viticulteurs. La manifestation qui a réuni plus de 5 000 manifestants à Narbonne le 25 novembre dernier en atteste.

Pour répondre à ces attentes, et évoquer avec la filière les instruments de la résilience de notre viticulture méditerranéenne, je réitère auprès de vous cette demande. Je serai particulièrement honorée de vous recevoir dans le département de l’Aude. 

En souhaitant une réponse positive, je vous prie de croire, monsieur le Premier ministre, en l’assurance de ma haute considération."